La fête El Señor Jesús del Gran Poder, surnommée El Gran Poder, est une célébration religieuse qui se déroule dans la ville de La Paz, sur le Haut Plateau des Andes, en Bolivie. Celle-ci a lieu chaque année, un samedi entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin. Un immense défilé est organisé, sur un parcours défini par la mairie, de plusieurs kilomètres de long, dans le centre de la ville. Ce défilé se fait en hommage à la représentation du Seigneur Jésus, qui se vénère à cette occasion dans l’église de la rue Antonio Gallardo.
La dévotion exprimée lors de cette fête est très grande. En effet, c’est la fête la plus importante de l’année à La Paz. Les festivités se déroulent dans les rues, les espaces publics, les places ainsi que les avenues. Pour y participer les spectateurs posent leur chaise dans la rue ou achètent une place dans les gradins, afin de profiter du défilé des danseurs, des orchestres et des stands de plats et de boissons typiques de la région. On compte actuellement la participation de 53 groupes folkloriques, soit 30 000 danseurs et 4000 musiciens.
Le Preste :
Le preste est le nom donné à l’évènement ainsi qu’à la personne qui organise et finance la fête privée du groupe folklorique, qui a lieu le lendemain du Gran Poder. Pour cela, une salle est louée, un plat typique est servi aux participants et un ou plusieurs orchestres jouent pendant la fête, qui dure toute la journée du dimanche. Ce genre d’évènement peut coûter entre 8.000 et 15.000 dollars américains, une somme très importante quand on sait qu’en Bolivie le salaire minimum est de 100 euros par mois environ. Chaque groupe folklorique acceptent des danseurs temporaires, mais la pluparts sont des participants qui font partie du groupe pendant plusieurs années, voire parfois plusieurs générations. Les membres « permanents » doivent être au moins une fois preste, afin d’être considéré comme une personne de prestige et être respecté. Chaque membre essaye de faire mieux que l’antérieure preste. Plus la fête est chère, plus le groupe admirera et respectera le preste. C’est alors que les économies faites parfois sur plusieurs années se dépensent en un, deux ou trois jours, car parfois la fête se prolonge.
Cette coutume illustre une vision andine du partage des richesses, car dans les communautés du Haut Plateau des Andes, la réciprocité est fondamentale pour le bien-être de la société. On parle ainsi de l’Ayni, qui veut dire « pour toi aujourd’hui et pour moi demain », dans la langue Aymara. Le preste est une forme de réciprocité, dans ce cas d'échange économique, au sein du groupe mais aussi avec Dieu, car les danseurs défilent en demandant au Seigneur sa protection ainsi que la réalisation de leurs souhaits ou projets.
La fête du Gran Poder est un symbole du syncrétisme religieux, car les coutumes mélangent des traditions catholiques et aymaras. Par exemple, la veille du défilé les participants font leur promesse afin de demander les faveurs du Seigneur, en s’engageant à danser trois années de suite, afin que leurs souhaits se réalisent. Cette promesse s’accompagne d’une cérémonie pour la Pachamama (Terre Mère). On y brûle un ensemble d’objets en sucre, comme offrande, pour demander la protection lors de la célébration du Gran Poder, mais aussi pour la vie de tous les jours.
Histoire de la fête du Gran Poder
L’appellation Gran Poder, qui signifie «Grand Pouvoir», provient de la croyance que Dieu est amour et que cet amour génère un pouvoir qui fait tomber tous les obstacles.
L’origine de la fête remonte au 8 décembre 1663, lors de la fondation du couvent des « Mères Conceptrices ». Selon l’histoire, les candidates au couvent devaient amener avec elles une image. La none Genoveva Carrión amena une image des trois visages du Seigneur Tout Puissant, qui provoqua une polémique.
En 1904 un dévot fit recouper le cadre, le convertissant en une image d’un seul visage et beaucoup de dévots reçurent les faveurs du Seigneur à partir de ce moment-là, et ce fut ainsi que la vénération de l’image s’étendit. L’image parcourait les maisons des rues Mercado, Yungas, Figueroa et l’église du Rosario. Elle fut ensuite transférée à la rue Léon Barra, où une famille dévote commença le culte de l’image avec des visites et prières, programmées les mardis et vendredis.
Au fil du temps, les fidèles augmentèrent et, en 1928, on commença la construction d’une église dans le quartier de Chijini, - aujourd’hui rue Gallardo-, dont les travaux se terminèrent à la fin des années 1930.
Les débuts du défilé :
Ce fut en 1923 que surgirent les premières démonstrations de danses folkloriques, dans la rue Illampu, où travaillaient les costumiers qui réalisaient les vêtements typiques pour les danses traditionnelles. Parmi ces costumiers, les familles Chuquimia et Gisbert étaient d’une grande influence et ce fut sur leur initiative que commencèrent les premières fêtes prestes en hommage au Seigneur.
En 1924 apparut le premier défilé de la danse Diablada, ainsi qu’un groupe de cireurs de chaussures, surnommé les cebollitas (petits oignons) qui dansaient le Suri Sikuri.
Dans les années 30 et 40 des groupes de la région des Yungas s’intégrèrent dans le groupe et ajoutèrent des tambours dans le défilé. En 1952, la fête devient un évènement départemental avec un grand défilé de danses à La Paz. De là surgit l’idée de faire un défilé plus grand et mieux organisé. La fête comptait sur le soutien d’un curé appelé Camacho, qui organisait les répétitions qui avaient lieu la nuit, de l’avenue Buenos Aires jusqu’à l’intersection des rues Gallardo et Segurola.
Le 25 janvier 1969, est apparue la danse des Caporales dans le quartier de Chijini, en tant qu’acte de dévotion au Seigneur du Gran Poder. Enfin, le 12 mai 1974 se créa l’Association des Groupes Folkloriques, convertissant l’évènement en fête nationale, qui jusqu'à aujourd’hui, a lieu chaque année dans la ville de La Paz.