La coca est une plante originaire d'Amérique du sud qui joue un rôle très important dans la société andine. En plus de ses vertus médicinales (stimulant, anesthésiant, coupe faim, etc.) elle est utilisée comme lien social et dans les rites religieux traditionnels. Elle symbolise l'indien de l'altiplano et c'est un symbole sacré.
Malheureusement transformée en cocaïne par l'homme blanc au début du 20ème siècle, elle a été dénaturée et on en oublie ses applications traditionnelles. Cette plante est la première responsable de la dégradation des relations entre la Bolivie et les USA car la Bolivie considère cette plante comme étant le symbole de sa culture ancestrale et les USA comme la plante du diable...
Le saviez-vous?
Les états-uniens représentent 5% de la population mondiale et 50% des consommateurs mondiaux de cocaïne. On estime que chaque année un million d'entre eux essaye pour la première fois la cocaïne.
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Historique
Époque précolombienne: une plante sacrée
La coca est une plante dont l'histoire remonte bien avant l'histoire de la conquête des incas; aux temps préhistoriques des Andes. On a retrouvé des feuilles de coca dans les tours funéraires (chulpares) des peuples précolombiens. On pense que son utilisation fut étendue sur tout l'altiplano avec l'empire de Tiahuanaco. Par après son usage s'est maintenu dans les Andes jusqu'à nos jours. Les Kallawayas utilisaient la coca comme plante médicinale et connaissaient bien ses vertus.
La plus ancienne feuille de coca fut découverte dans la Huaca de Prieta, sur la côte du nord du Pérou et daterait de 2500 avant J.C.
Toutes les cultures précolombiennes des Andes utilisaient ces feuilles; la coca est une des plus anciennes plantes d'usage domestique. Son utilisation s'étend sur une zone comprenant le Pérou, La Bolivie, l'Équateur, la Colombie, le Chili, l'Argentine, le Paraguay et le Brésil.
Jusqu'ici son utilisation était faite par mastication ou "Acullico"; les feuilles de coca sont dépouillées de leur nervure centrale qui est un peu dure, un petit peu mastiquées puis "stockées" dans le creux de la joue. On met ainsi une dizaine de feuilles de Coca puis, pour augmenter les effets, on doit ajouter du bicarbonate (legia) et sucer le jus. Cette technique permet de garder les alcaloïdes et éléments nutritifs (90%) et rejeter les fibres.
L'Acullico se fait plus ou moins trois fois par jour après les repas comme on prendrait le café. Sont effet endort la bouche, rend légèrement euphorique, augmente l'activité corporelle et "élargit" l'esprit.
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Sous l'empire Inca l'huile essentielle de coca était utilisée comme anesthésiant permettant aux Incas de faire de la trépanation crânienne afin d'extraire des tumeurs.
La feuille de coca était et est toujours utilisée pour prédire l'avenir, soigner et faire le lien entre les hommes et les dieux.
Les offrandes de feuilles de coca sont faites lors de catastrophes naturelles (inondations, incendies, gel et grêle) ou pour les cycles de la vie quotidienne, particulièrement pour la fertilité et la Pachamama - terre mère.
La coca a toujours été considérée comme une plante sacrée, ayant des pouvoirs magiques et faisant office d'intermédiaire pour entrer en contact avec les forces surnaturelles à travers des rituels spéciaux.
Colonisation espagnole: une plante économique
La première mention de la feuille de coca fut faite par le père Tómas Ortiz et par après elle fut mentionnée par beaucoup d'autres chroniqueurs, avec entres autres, le fameux explorateur Americo Vespucci.
La mutation économique générée pendant la colonisation changeât la valeur de la feuille de coca, tellement qu'elle fut utilisée comme monnaie d'échange au même niveau que l'argent ou l'or. L'utilisation de la coca par les indiens est à cette époque contradictoire;
L'église catholique perçoit l'utilisation de la coca comme un obstacle majeur perturbant et capturant l'âme des indiens, elle interdit donc les plantations de coca en 1569, décrétant que cette plante avait des pouvoirs sataniques. Cela marqua le début de la nacro-inquisition, bien que les chroniques montrent que les champs de coca à cette époque croissaient considérablement à cause de son importance dans la population native.
La coca fut utilisée par les espagnols pour l'exploitation. Ils distribuaient les feuilles aux indiens qui, en échange devaient travailler plus et les servir. Cela augmenta fortement la valeur de la plante, surtout dans la mine d'argent de Potosi. La ville de Potosi à cette époque avait une population comparable à celle de Paris ou de Londres. La valeur de la coca consommée chaque année dans cette ville était équivalente à 450 kg d'or, au taux de l'époque.
Soudainement le roi Philip II d'Espagne déclara la coca "produit pour le bien être des natifs". L'église enleva sa prohibition et établit une taxe de 10% sur la coca...
La république: commercialisation
Lors de la période républicaine, la puissante association des propriétaires terriens des yungas fut créée. À partir de 1830 elle acquiert une forte influence dans les politiques nationales et départementales, ses membres devenant des individus importants dans l'élite nationale.
Le saviez-vous?
La coca, avec son pouvoir anesthésiant, coupe faim et coupe fatigue était capitale pour les mineurs. À cette époque la valeur de la coca était très fortement liée à sa consommation dans les mines; si l'activité minière baissait à cause de la baisse des prix des matières premières, le prix de la coca baissait également causant une crise dans les foyers de production.
On a calculé que la consommation de la coca pour un mineur peut aller jusqu'à 380 gr par semaine, soit 12% de son salaire.
Un décret du 4 aout 1940 déclara la coca "article de base" et sa vente se faisait principalement dans les compagnies minières et routières.
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La Coca aujourd'hui: symbole de l'indien de l'altiplano
La coca est encore très utilisée par les indiens de l'altiplano; 92% des hommes et 89% des femmes utilisent la coca et 82% et 68% respectivement la mastiquent.
L'utilisation de la coca est associée aux indiens et pour cette raison également elle aurait été discriminée. Son utilisation est le symbole de leur identité et de la solidarité entre ceux qui sont pour contre ceux qui sont contre. On peut dire que la coca est la colonne vertébrale de la structure de la culture andine.
Il y a trois types de relation des habitants des Andes avec la coca:
Economique
La feuille de coca cultivée dans les communautés comme une monnaie d'échange de produits. Elle est cultivée pour générer de l'argent et répondre à la nouvelle demande urbaine.
Sociale
Dans les cultures andines toute interaction sociale est conçue en termes d'échanges de réciprocité et la feuille de coca y joue un rôle clé. Il n'y a pas d'échange social sans coca.
Par exemple si un indien demande un ayni (une personne choisie pour s'entraider), il doit également offrir une poignée de coca. L'autre, recevant la coca s'engage dans la relation.
Toute demande faite à un chef de communauté doit être accompagné de coca et d'alcool.
De la même façon la coca est très importante lorsqu'un chef est investit de ses fonctions, ou lorsque ceux qui conduisent un groupe de danseurs traditionnels sont nommés.
La demande en mariage doit être faite par la famille du futur marié avec une poignée de coca. Le succès de la demande sera indiqué par l'acception ou non du cadeau.
Pour organiser des tâches plus complexes, comme des fêtes, constructions ou encore une bataille contre l'ennemi, la communauté doit se réunir une nuit entière. La coca est alors distribuée et mastiquée toute la durée de la rencontre.
Le saviez-vous?
Dans les Yungas, où se produit la coca depuis l'époque des Incas, le champ de coca accompagne le cycle vital de la famille;
Quand un couple se marie, il doit construire une maison et un champ de coca (Cocal). La plantation nait ainsi avec la famille, et grandit avec elle. Lorsqu'un enfant se marie et ramène une femme à la maison, le champ et la maison doivent atteindre une production maximum. Avec le temps la progéniture quitte la maison et les parents vieillissent seuls, comme le champ de coca qui produira peu mais assez pour la famille réduite.
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La coca est donc la clé pour entrer dans des relations sociales des cultures andines, elle promeut la confiance.
Socialement, la coca est offerte pour étendre et renforcer les relations de réciprocité extrêmement importantes dans le monde andin pour acquérir du travail, du prestige, du pouvoir et une intégration sociale.
Au travail
Avant de commencer une oeuvre collective, tous ceux qui vont travailler; proches, amis et membres de la communauté, se réunissent pour partager de la coca, des cigarettes et des boissons. Pour remercier le cadeau, chacun doit choisir trois feuilles, les souffler en direction de la montagne protectrice de la communauté, et prier les esprits. Ensuite ils commencent à mâcher des feuilles. Dans les Andes, la journée de travail est divisée en trois ou quatre avec, à chaque pause, un temps de mastication de la coca. C'est la même chose lors des travaux communautaires, où les autorités distribuent des feuilles de coca.
Dans les yungas, grâce aux feuilles, l'ayni ou institution de réciprocité à considérablement été étendue car la coca est récoltée en permanence. Avec le système du ayni, le travail offert aux autres est fait avec la même importance que s'il était fait pour soi. De plus dans cette région la culture de la coca est très appréciée car elle est très économique et facile a cultiver; elle supporte la sécheresse, les sols pauvres, elle donne trois récolte par an et est facile à récolter, sécher et garder.
La récolte est en général faite par les femmes, et c'est l'événement social par excellence. Les jeunes garçons de la communauté recherchent alors une partenaire pour flirter...il y a alors beaucoup de rires, d'histoires et de potins..
La récolte est la plus grande démonstration du contrôle social de la communauté. Dans les communautés paysannes, la pratique de la réciprocité du travail montre que le travail est une ressource de la communauté, partagée par tous les membres comme s'ils appartenaient tous à une même grande unité et c'est le travail qui détermine le rang de chaque membre de la communauté.
Pratiques magiques
Dans les Andes, tous les rituels et cérémonies religieuses qui subsistent sont similaires, avec quelques variations. L'utilisation de la coca dans un sens magique a pour but protéger l'individu de la sorcellerie, de changer la mauvaise fortune et de prédire le futur. Sans coca il serait impossible au devin de prédire le futur ou de trouver la source de malaise de son patient et de le soigner car il serait incapable de comprendre la punition infligée par la Pachamama, les gardiens ou d'autres dieux.
Pour protéger du futur et prévenir des mauvais sorts la coca est mâchée et ensuite brulée. Lors des rites de fertilité elle est donnée aux animaux. C'est très important alors d'avoir une grande quantité de coca, d'alcool et de nourriture car c'est symbole d'abondance et sans cela la cérémonie est sans utilité.
Dans un sens religieux, la coca est utilisée pour simplement dire merci ou faire des offrandes aux dieux. Tous les rites traditionnels andins sont célébrés avec des feuilles de coca. Toutes les personnes présentes doivent mâcher de la coca sous la direction du maître de cérémonie. Ainsi la coca est indispensable pour faire des offrandes, des offices aux ancêtres, à la Pachamama, en tant qu'acte de remerciement pour les bonnes récoltes, la santé ou l'épanouissement des animaux.
La coca sera toujours présente dans les moments importants des vies car ce n'est pas seulement un produit mais un héritage, ce n'est pas seulement le plus important élément de survie des indiens, mais la représentation de ce qui leur est sacré, leur culture, leurs traditions et leur force contre l'abus et l'exploitation.
Source:
Musée de la coca de la Paz.
COCAINE THE LEGEND, JORGE HURTADO GUMUCIO, Edit HISBOL, La Paz, Bolivia, 1995.