Début des années 30 l’économie Bolivienne se porte au plus mal ; 70% des exportations concerne l’industrie minière et la crise économique mondiale affecte non seulement les prix mais aussi la production de l’étain. Bien que deux tiers de la population se dédie à l’agriculture, le pays importe beaucoup d’aliments, y compris les produits andins.
C'est dans ce contexte que le Président Républicain Daniel Salamanca lance le pays en guerre contre le Paraguay.
Salamanca commence son mandat en décrétant que le problème le plus grave du pays est le communisme. Cela positionne clairement l’état contre les travailleurs. Le gouvernement interdit une grève de télégraphistes, écrase les grèves de la FOT, et enlève 15% du salaire des grévistes. Salamanca présente au congrès un projet de loi de défense sociale qui donne tous droits au Président pour combattre les «excès» ouvriers et communistes. Ce projet ne verra heureusement pas le jour, mais toutes ces mesures mettent la gauche contre le gouvernement qui, en plus de la guerre du Chaco, devra faire face à de nombreux soulèvements internes.
Les libéraux s'opposeront aussi à ce gouvernement. Le ministre des haciendas proposera un plan inflationniste géré afin de remettre sur pied l’économie du pays qui augmenta le mécontentement général. De plus le gouvernement prit des mesures économiques drastiques afin de gagner de l’argent pour investir dans l’armée avec comme objectif principal d’attaquer le Chaco car il pensait qu’une présence militaire forte faciliterait les négociations avec le Paraguay. Cependant un incident verbal à Washington avec le représentant paraguayen rompit les relations diplomatiques le 1er juillet 1931.
Les limites internationales de la Bolivie, en 1825, avaient été définies par celles de l’Audience de Charcas et se basaient sur les titres coloniaux dont hérita la République. Si bien que la souveraineté de la Bolivie sur le Chaco était reconnue juridiquement. Cependant le Paraguay prétendait qu’une bonne partie du territoire se trouvant dans les départements de Tarija, Santa Cruz et Chuquisaca devait lui revenir.
Le centre de ce territoire était quasi inoccupé, sauf par les quelques fortins appartenant aux deux pays. Le Paraguay avait construit, grâce à des financements anglais et argentins, des ports et lignes de chemin de fer sur le fleuve Paraguay. Le seul port bolivien, Puerto Pacheco, avait été pris par les paraguayens en 1886. Les boliviens avaient construit des postes sur le fleuve Pilcomayo mais sans présence forte de population.
Jusqu’alors il y avait eut plusieurs tentatives de négociations pour délimiter ce territoire avec plusieurs signatures de traités; sans résultats.
Enjeux de la guerre.
La première thèse penche pour un mobile impérialiste affrontant les deux grandes compagnies pétrolières ; la Standard Oil en Bolivie et la Royal Duch Shell dans le Chaco Boréal. Le confit entre la Bolivie et le Paraguay risquait d’isoler complètement la Standard Oil dont la voie de sortie de ses exportations passait par le fleuve Paraguay qui était déjà bloquée par les paraguayens. Cependant la quantité de pétrole exploitée par la Standard dans cette région, en comparaison à sa production mondiale, n’était pas assez élevée pour qu’elle s’implique dans la guerre. De plus les estimations de ressources pétrolières présentes sur ces terres étaient plus théoriques que réelles. Elle préféra traiter avec l'ennemi plutôt que de s'engager aux cotés de la Bolivie.
Le deuxième problème que posait ce conflit concernait l’isolation de la Bolivie qui suite au conflit du pacifique se tournait vers l’atlantique et le fleuve Paraguay qui devenait désormais une voie de sortie importante.
Dès le début l’Argentine prit le parti du Paraguay car les grandes familles argentines avaient des intérêts économiques dans cette région (lignes ferroviaires, bétail, terres). Cette alliance fut un poids énorme dans la balance qui fit perdre le conflit à la Bolivie.
Le Chaco est un territoire de 290 000 km2 qui avait alors une population de 70 000 habitants. Les tribus de la région étant les tobas, les matacos, les tepietis et les choropis.
Sur ce territoire s’alternent les bois subtropicaux et de grandes plaines couvertes de végétation herbacée et épineuse, beaucoup de sable et un soleil de plomb. Quand il pleut les plaines sont inondées et se transforment en un énorme bourbier. Les vipères, les rongeurs et les insectes constituent sa principale faune.
Le manque d’eau fut le problème principal des troupes boliviennes composées principalement de soldats aymaras et quechuas habitués aux montagnes, aux températures basses et aux espaces ouverts. Les paraguayens quant à eux étaient habitués à cet écosystème. Encore une fois les boliviens devaient combattre en terres inconnues et parcourir des centaines de kilomètres de terres quasi sans population et sans voie de communication.
La distance entre la Paz et le fort de Nanawa (fortin le plus au sud où arriva l’armée bolivienne) était de 2500 km, tandis que la distance de ce dernier avec Asunción, capitale paraguayenne, de 350 km !
La guerre
Le 15 juin 1932, la Bolivie prend le fort qui contrôlait la lagune Chuquisaca, un point stratégique en ravitaillement d’eau. Les paraguayens répliquent en reprenant le fortin.
Ce à quoi le Président Salamanca répond, le 18 juin sur le balcon du palais brulé, en ordonnant la prise de 3 fortins paraguayens. Ce qui fut fait entre le 24 et le 31 juillet. La guerre était déclarée.
Contestations boliviennes
Simultanément à la guerre du Chaco, la Bolivie vécut une sorte de guerre interne. Alors que le gouvernement se préparait à envoyer des milliers de soldats dans le Chaco, il y eut de nombreux soulèvements de paysans sur l’altiplano qui furent durement réprimés. Ces soulèvements concernaient non seulement les indiens mais aussi les activistes anarchistes, communistes et socialistes, opposés à la guerre. Le recrutement de soldats dans la campagne fut traumatisant et finit souvent en bain de sang.
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La guerre du Chaco peut se diviser en quatre phases ;
- Entre juin et décembre 1932 : les troupes des deux pays se préparent à la guerre et la Bolivie attaque.
- Entre décembre 1932 et décembre 1933 : la Bolivie combat sous le gouvernement de l'allemand Hans Kundt et arrive jusqu'au fort de Nanawa.
- Entre décembre 1933 et janvier 1935 : offensive paraguayenne, la Bolivie recule.
- Entre Février et juin 1935 défense victorieuse de Villamontes par la Bolivie et accord de paix.
En 1934 les relations du Président Salamanca et du haut commandement de la guerre étaient tellement mauvaises qu’il fut destitué. Malgré la guerre on convoqua de nouvelles élections. Cependant elles ne furent pas respectées et José Luis Tejada Sorzano, du parti libéral, prit le pouvoir par la force à Villamontes le 28 novembre 1934.
Tejada arriva au pouvoir au milieu d’une grave crise militaire et dû gouverner sous la tutelle de l’armée. Il essaya de régler le problème de la guerre par la voie diplomatique d’un coté et réussit à générer une mobilisation générale qui permit de rassembler l’armée nécessaire à la défense victorieuse de Villamontes.
Accord de paix
Au début de la guerre la Bolivie était vue internationalement comme le pays agresseur et la nation la plus puissante. C’est pour cette raison que le Paraguay s’attira la sympathie pour sa cause. En 1934 les avis changèrent et les représentants boliviens convainquirent la communauté internationale que le pays agresseur était bel et bien le Paraguay et la Bolivie reçu la ratification du libre transit de ses produits par les pays voisins, sauf bien sûr de l’Argentine. On enleva l’embargo sur les armes pour la Bolivie et on l’imposa au Paraguay qui se retira de la Ligue des Nations.
Le 12 juin 1935 on signa le premier protocole de paix entre les deux pays et le 14 juin 1935 à minuit se termina la guerre.
Entre 1935 et 1938 de dures négociations eurent lieu pour définir les nouvelles limites, rendre les prisonniers et, pour la Bolivie, avoir la souveraineté sur le fleuve Paraguay (ce qu’elle n’obtint pas).
Le 21 juillet 1938 on signa à Buenos Aires le traité de paix et d’amitié ainsi que les frontières finales entre la Bolivie et le Paraguay.
La guerre se solda par de terribles pertes; du coté bolivien périrent 50 000 hommes et 20 000 furent faits prisonniers. Le coût de la guerre fut de 228 millions de $, financés par la banque centrale et des prêts d’entrepreneurs miniers, ce qui lança le pays dans un processus inflationniste. Le Paraguay quant à lui perdit 40 000 hommes et 2500 furent faits prisonniers. La guerre lui couta 128 millions de $.
En 1936 Tejada demanda le jugement de la Standard Oil accusée de faire sortir illégalement du pétrole de Bolivie en Argentine ; c’était les débuts de la nationalisation. Cependant, après la guerre beaucoup demandèrent des comptes quant aux responsables de la guerre. Le pays se mit en grève générale. Le 16 mai 1936 les officiers du Chaco décidèrent, sous l’ordre de David Toro la destitution de Tejada et German Busch prit le palais du gouvernement et le pouvoir.
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Source:
José de Mesa, Teresa Gisbert, Carlos D. Mesa Gisbert : HISTORIA DE BOLIVIA; 4ème édition, Editorial Gisbert, La Paz, 2001