Les deux principales raisons de la conquête des Amériques furent la soif de richesses et le devoir d'étendre la parole de Dieu à travers l'évangélisation.
La conquête des Amériques se fit à travers une aventure risquée où les conquistadors devaient investir beaucoup d'argent pour les bateaux, les hommes, chevaux, etc. La couronne d'Espagne quant à elle cédait les droits potentiels sur les terres conquises. Ce n'est donc qu'une fois la conquête faite que le conquistador pouvait récupérer son investissement.
Alors qu'il mettait son argent et sa vie en jeu, le roi concédait des titres, honneurs et bénéfices en décomptant un cinquième pour lui.
Cela explique en partie la témérité et l'audace de certains conquistadores qui risquèrent le tout pour le tout pour avoir la possibilité devenir riche.
D'autre part cela donna à la conquista un esprit d'individualisme face à la conception collectiviste et anonyme des américains qui répondaient à un système hiérarchique vertical, en plus d'avoir un mode de vie communautaire.
Cela explique aussi pourquoi il y eut fréquemment des luttes entre les espagnols pour le pouvoir et parfois même contre le Roi qui finalement ne risquait rien et gagnait une bonne part du gâteau.
La grande force des Aztèques et des Incas fut aussi leur faiblesse. Le succès de leur empire était basé sur le respect et une soumission aveugle au pouvoir des empereurs.
La structure hiérarchique rigide qui permettait le fonctionnement de ces sociétés complexes, s'émietta complètement lorsque les empereurs furent capturés et tués. Sans tête ces grands peuples furent complètement désorientés et restèrent sans pouvoir de réaction.
Cela fut particulièrement vrai pour l'empire Inca qui fut pris en une seule journée après un audacieux coup de théâtre des espagnols.
D'autre part les empires américains avaient soumis de nombreux peuples rebelles à qui ils soutiraient tributs et sacrifices. Ces peuples virent les espagnols comme des libérateurs et les aidèrent dans un premier temps. Les conquistadores utilisèrent les idées de Maquiavelo, scellant de fausses alliances avec les ennemis de leurs ennemis pour mieux les anéantir.
Le saviez-vous?
L'adjectif "machiavélique" vient de ce penseur politique italien dont la philosophie est résumée dans l'assertion "la fin justifie les moyens". Car il pensait que la conquête et la conservation du pouvoir pouvait et devait se faire par tous les moyens, y compris la manipulation.
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Le processus de conquête dura plusieurs dizaines d'années depuis l'arrivée de Colomb en 1492. Les européens découvraient petit à petit un continent gigantesque dont ils ne soupçonnaient pas l'immensité. Petit à petit ils découvrirent le pacifique (la mer du Sud), la cordillère des Andes, et l'immense forêt amazonienne où ils pensèrent trouver le trésor de El Dorado.
La conquête de l'empire Inca
En novembre 1532, après de nombreuses tentatives de conquête du Sud du Panamá échouées, Francisco Pizarro entre vers l'est et se lance dans l'ascension des contreforts andins, redoute de l'empire Inca.
Les troupes de Pizarro comprenaient 62 hommes à cheval et 106 piétons, soit seulement 168 soldats qui allaient affronter tout l'empire Inca.
La chance aida Pizarro; une brèche technologique immense leur donnait le dessus et les incas étaient divisés.
Ces derniers savaient que des hommes balncs et barbus violaient leurs terres et abusaient des indiens depuis Huayna Capac. Atahuallpa aussi savait qu'ils étaient présents mais il se concentrait sur le conflit qu'il avait contre son frère. Il ne pouvait pas imaginer qu'une petite poignée d'hommes était une menace pour son empire...
Cajamarca: la chute de l'empire Inca
Pizarro trouva à Cajamarca une petite ville de vallée à demi vide car les habitants étaient partis saluer l'empereur. Trois des cotés de la place principale étaient occupés par des édifices religieux et le quatrième par un mur. Les espagnols délogèrent les prêtresses (aclla) et s'installèrent dans les édifices vides. Pizarro envoya son frère Hernando parlementer avec l'Inca et l'inviter à parlementer à Cajamarca avec lui.
Pour convaincre Atahuallpa de le rencontrer, Pizarro lui propose de l'aider dans la lutte qui l'oppose à son frère Huascar. Méfiant, Atahuallpa accepte néanmoins et convient d'une entrevue à laquelle Indiens et Espagnols doivent se rendre sans armes.
Atahuallpa se fit attendre la journée et finit par arriver avec seulement quelques milliers d'hommes désarmés (entre 2000 et 6000). Il entra sur la place vide autour de 5 heures quand le soleil commençait à tomber.
Les hommes de Pizarro se tenaient prêts à attaquer, cachés dans les temples qui entouraient la place, ils attendaient le coup de feu convenu en signal d'attaque.
Le futur évêque de Cuzco, Vicente de Valverde, alla à la rencontre de l'empereur Inca avec un interprète.
Avant toute confrontation belliqueuse les espagnols lisaient à leurs ennemis Les exigences, un texte que le Conseil Royal d'Espagne ordonnait de lire aux hôtes avant de recourir aux armes; le texte exigeait la soumission à l'empereur espagnol (Carlos V) et l'assujetion au catholicisme et si ces conditions n'étaient pas acceptées, les espagnols leur livreraient une bataille sans trêve.
Apparemment Valverde lut les exigences et ensuite il déclara que les paroles de leur seul et unique Dieu était contenues dans le livre qu'il portait à la main. Atahuallpa reçu le livre, le retourna plusieurs fois, le porta à son oreille, s'exclama qu'il n'entend aucune parole et jette le livre à terre.
Sur ce, Valverde revint en courant et en criant vers le temple où se trouvait Pizarro. Ce fut le moment décisif; Pizarro tira un coup de fusil en criant "Pour mon Jacques!" (Le saint auquel s'étaient remis avec succès les espagnols dans leur guerre contre les arabes). Tous les cavaliers et soldats sortirent à l'attaque.
La scène fut terrible; les cavaliers terrorisèrent les indiens sans défense. Ces hommes, qui n'avaient jamais vus d'arme à feu ni d'armure, furent découpés en petits morceaux par les terribles épées des espagnols. On dit que la terreur fut telle qu'en fuyant les indiens firent tomber le mur de la place avec la seule force de leurs corps et des milliers d'entre eux périrent piétinés.
Au milieu de la confusion, Atahuallpa resta impassible sur sa litière d'or, alors que ses porteurs sont massacrés, d'autres se précipitent pour le maintenir dans sa dignité de Sapa Inca. Les Espagnols finissent par se saisir de lui et le souverain inca est fait prisonnier. Mais cela ne semble pas suffire aux Espagnols qui, jusqu'à la nuit tombée, pourchassent les Indiens dans toute la vallée, laissant derrière eux des milliers de cadavres dont une grande partie de la noblesse et de l'élite impériale venue en paix.
En cette après midi tragique à Cajamarca, des centaines d'indiens furent tués alors qu'à quelques kilomètres de là se trouvait un bataillon d'au moins 30 000 indiens armés...
À la nuit tombée le petit contingent d'espagnols totalement isolé et a priori sans renforts possibles, avait pris l'empire Inca au nom de Carlos V empereur d'Espagne, le 16 novembre 1532.
La mise à mort de l'Inca
L'Inca resta huit mois prisonnier de Pizarro. Il ne suspectait pas son destin; au début il crut qu'on allait le libérer. Quand il se rendit compte que les espagnols étaient assoiffés d'argent il leur proposa de remplir la pièce où il était prisonnier jusqu'à 1 mètre 80 d'or et d'argent en échange de sa liberté. L'Inca fit venir des richesses de tout l'empire, il fit démonter les somptueux temples qu'ils avaient construits tout au long de ces années...
En avril 1533 quasi tout avait été payé et arriva Diego Almagro à Cajamarca avec 150 hommes. En juin ils fondirent toutes les oeuvres d'art des incas pour faire des lingots d'or et d'argent; 6087 kg d'or fin et 11793 kg d'argent. Chaque soldat reçu 40 kg d'or et 80 kg d'argent...
Pendant ce temps Atahuallpa apprit que son frère Huascar avait été fait prisonnier par son armée et pas un instant il hésita avant d'ordonner sa mise à mort; l'escorte de Huascar l'assassina. Atahuallpa pensait probablement que les espagnols allaient le libérer et tuer son frère c'était assurer sa suprématie sur l'empire.
La situation de l'Inca ne changeait pas, personne ne le libéra et il commença à désespérer. Il donna l'ordre à son général Rumiñawi, d'attaquer les espagnols.
Pizarro apprit l'ordre et décida d'exécuter l'empereur, l'accusant de fratricide et régicide, le condamnant à être brulé. C'était terrible pour l'Inca car cela voulait dire que son corps ne serait pas conservé et que sa vie ne serait donc pas maintenue après la mort. Le jour de son exécution il demanda donc à se convertir au catholicisme et d'être baptisé car s'il se convertissait on le tuait par étranglement et son corps serait conservé.
On lui offrit un grand enterrement. Le seul espagnol qui aurait pu le défendre, car il appréciait l'Inca et jouait avec lui aux échecs fut Hernando Pizarro. Mais il avait été envoyé en mission. Ce fut un crime qu'il n'oublia jamais et qui laissa une profonde trace dans l'esprit des conquistadores.
Après Atahuallpa
Tout de suite après la mort de l'Inca, Pizarro mis son jeune demi frère et seul survivant de la famille Huascar sur le trône. C'était une feinte pour gagner les faveurs de Cuzco face au domaine de Quito mais l'Inca marionnette ne survécu pas très longtemps, il mourut d'une maladie en octobre 1533.
Pizarro dû marcher seul avec ses soldats sur Cuzco, il avait perdu un alibi important et allait devoir gagner la ville par la force plutôt que par la ruse.
Quatre grandes batailles eurent lieu avant qu'ils n'arrivent à Cuzco.
Ces batailles leur offrit l'adhésion de Manco, Inca reconnu par les habitants de Cuzco. Un an exactement après la prise de Cajamarca, Pizarro entre dans Cuzco aux cotés de Manco.
D'un certain coté les habitants de Cuzco virent l'arrivée des espagnols comme un soulagement qui allait les libérer des pressions des troupes incas du nord.
Après un essai infructueux de dérouter les troupes du nord, les espagnols et les incas revinrent à Cuzco où Manco fut couronné Inca dans une cérémonie somptueuse. Les espagnols prirent possession petit à petit des richesses de Cuzco et terminèrent de vider le grand temple de Coriqancha où il restait encore des objets précieux.
Entre 1534 et 1536 les espagnols entamèrent une campagne contre Quito pour renforcer leur pouvoir. Ce furent des années de batailles ardues avec des victoires et des défaites des deux cotés. Pendant ce temps-là à Cuzco, les capitaines humiliaient Manco jusqu'à provoquer sa décision de se révolter et d'expulser les conquistadores de l'empire.
En mars 1536 Manco abandonna la ville en feignant de revenir mais il s'en fut organiser une armée.
Manco rencontre un peuple d'insoumis; les antis. Les antis accueillent Manco et sa suite et enseignent aux hommes de Manco à harceler les caravanes et les troupes espagnoles en guettant les ennemis du haut des arbres, fondant sur l'ennemi et disparaissant dans la forêt.
Entre 100 000 et 200 000 hommes suivirent Manco et ils assiégèrent Cuzco. 190 espagnols, 80 chevaux et quelques indiens étaient tout ce qu'il restait dans la ville. Le siège dura plusieurs mois. Francisco Pizarro, qui avait abandonné Cuzco pour fonder Lima, envoya plus de 300 hommes pour renforcer la défense.
Les Incas attaquaient avec des frondes, des pierres brulantes pour bruler les maisons, ils attaquaient les chevaux avec des bolas pour les immobiliser. Plusieurs fois ils furent au point de prendre la place principale jusqu'à ce qu'un orage décisif sauve les espagnols. Une fois de plus Saint Jacques sauva les espagnols, à travers les éclairs les espagnols jurèrent avoir vu l'image de la vierge Marie et du saint qui fut depuis cet instant associé à Illapa, le dieu précolombien de la foudre.
La lutte décisive eut lieu à Sacsahuaman, fort sur les hauteurs de Cuzco, où Hernando délogea les indiens.
Ce siège sanglant, qui dura 8 mois, faillit aboutir à une victoire : les renforts envoyés de Lima sont écrasés par les tribus amérindiennes qui ont appris à connaître leurs ennemis. Les Espagnols traqués dans tout le pays sont poursuivis jusqu'à Lima. Mais l'armée amérindienne, épuisée par un manque de préparation, se voit obligée de rompre le siège de Cuzco et de se replier.
Manco II se rendit à l'évidence; il n'était pas possible de dérouter les envahisseurs et il se retira dans l'énigmatique et invulnérable Vilcabamba. Cette ville servit de refuge aux incas mais ne put empêcher la consolidation de la domination espagnole, la création du vice-royaume du Pérou, ainsi que la colonisation qui allait durer 3 longs siècles.
La période confuse des premières années de la conquête fut alors remplacée par une période de consolidation des institutions qui transformèrent l'aventure initiale par l'ordre colonial.
Pour le vice-royaume du Pérou et l'Audience de Charcas cette nouvelle étape de l'histoire commença avec l'arrivée du vice-roi Francisco de Tolède en 1569.
Suite de l'histoire: la conquête du Charcas
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Sources:
José de Mesa, Teresa Gisbert, Carlos D. Mesa Gisbert : HISTORIA DE BOLIVIA; 4ème édition, Editorial Gisbert, La Paz, 2001
Wikipédia: Atuahuallpa, Manco Capac II